Solness : l’histoire d’un autodidacte, ancien employé dans un cabinet d’architecture, qui a conquis le monopole du bâtiment dans sa région sur le cadavre de ses deux enfants et les décombres du patrimoine incendié de sa femme. Ruinant puis exploitant son ancien patron, jouant d’autorité ou de séduction, il a défendu bestialement son règne, tué dans l’œuf toute concurrence, toute relève possible. Vieux fauve effrayé par la jeunesse et surtout par la Mort, vieil artiste qui a cru pouvoir apporter le bonheur avec l’humanité de son architecture, il contemple l’étendue des dégâts : un territoire conquis par le cancer de ses constructions, une maison coupée en deux, hantée par une femme, Aline, omniprésente et passivement tout contre lui, et le fantôme de deux enfants disparus ; un idéal mort, un couple sans désir, et un instinct de survie toujours là, sauvage, indestructible.

C’est alors qu’arrive « la jeunesse ». Hilde Wangel se présente, elle a quelque chose à réclamer. Dix ans plus tôt, alors qu’il était ivre et qu’elle avait douze ans, Solness l’aurait embrassé… Il lui aurait promis… un royaume. Elle vient, à l’heure dite, chercher son dû. Etre de chair ou production hallucinatoire d’un fou ? Elle va s’installer au cœur de la vie du couple et travailler à bras-le-corps l’âme malade du Constructeur

Solness est un autoportrait de son auteur. L'esthétique elle-même du texte est une synthèse autobiographique, on y retrouve le réalisme d’Edda Gabler et de Maison de Poupée, et le merveilleux de Peer Gynt. Solness déplie peu à peu, au fil des trois actes, sa perception d’un monde peuplé de Trolls, de diables, d’esprits invisibles, qu’il aurait le pouvoir de guider, pour sa propre gloire et pour le malheur de son entourage. Une théorie Faustienne à laquelle les évènements passés, mais aussi les attitudes sur le moment, et jusqu’aux coïncidences étonnantes des entrées en scène, semblent donner raison. Nous baignons dans une atmosphère fantastique, où le surnaturel affleure sans que jamais le fil de la rationnalité ne soit rompu.